samedi 3 avril 2010

Please, arrêtez les conneries !

Une des phrases peut-être les plus antiscientifiques qui soient, est "il ne faut pas travailler sur tel sujet." La plupart des scientifiques se battraient pour défendre le droit de chacun de soutenir quelque thèse scientifique que ce soit. Donc, Messieurs Allègre et Courtillot ont le droit de penser ce qu'ils veulent. Ils ont le droit de faire la recherche qu'ils veulent.

Venons en au vrai sujet : ils ont la liberté des sciences mais ils en ont aussi les devoirs.

Je ne suis pas climatologue (eux non plus d'ailleurs), donc je ne peux pas vérifier leurs affirmations. Mais il suffit d'écouter les spécialistes à la radio, de lire les journaux. Leurs écrits, surtout ceux d'Allègre, semblent scientifiquement bourrés d'erreurs. Ils ont oublié que si le scientifique a une liberté scientifique totale, il a aussi un devoir de rigueur scientifique.

Par désir d'exister, de passer à la radio, de vendre des livres, il semble avoir plongé dans une spirale médiatique, jouant sur la tendance naturelle des journalistes de vendre du sensationnel simpliste, plutôt que des idées complexes. Notre devoir de scientifique est d'éclairer le débat public de nos connaissances. Il n'est pas de l'obscurcir avec des faux messages comme les avions renifleurs, le créationnisme, la négation du réchauffement climatique.

Bon! Des scientifiques qui se trompent, des théorèmes faux, des chiffres erronés, ce n'est pas rare. Pourquoi en faire un plat ici ? Parce que la polémique soulevée par Allègre et Courtillot est particulièrement néfaste. Face au réchauffement climatique, nous avons peu de temps pour agir. Des lobbys comme ceux des pétroliers et de l'automobile font déjà tout pour empêcher des mesures efficaces qui iraient à l'encontre de leurs intérêts. Les politiques les yeux braqués sur le quotidien et les sondages, s'ils peuvent à l'occasion surfer sur une vague écolo, hésitent souvent à prendre des mesures difficiles portant sur le long terme.

Donc : Please, arrêtez de dire des conneries!

Signé: Un chercheur (*) qui ne connait rien à la climatologie, mais qui s'inquiète du réchauffement climatique généré par l'activité humaine (**)

(*) Allègre et Courtillot sont tous les deux académiciens. C'est d'ailleurs à l'origine de l'écriture de cet article. Un copain m'a demandé s'ils exprimaient le point de vue de l'académie ? Non! Leur point de vue n'est pas celui de l'académie des sciences. Voir la déclaration commune des Académies des sciences sur
la réponse globale au changement climatique
.

(**) Je me suis demandé si j'avais le droit d'exprimer cette dernière affirmation moi qui ne connait rien au sujet. Voilà où ce genre de polémiques conduit. J'ai décidé que oui, car je m'appuie sur les affirmations des spécialistes. (Voir la lettre de quatre cent spécialistes .) De la même façon, un climatologue a le droit de déclarer qu'il existe certaines fonctions qui ne sont pas calculables même s'il ne comprend rien à la théorie de la calculabilité.

1 commentaire:

  1. "Mais il suffit d'écouter les spécialistes à la radio, de lire les journaux." Non Serge, ca ce n'est pas un argument, tout simplement parce que
    - ils passent eux aussi a la radio et dans les journaux, comme specialistes
    - les journaux s'ont tres pro-rechauffement climatique en France, car ils ont senti l'opinion publique tourner. En gros un journal francais qui defendrait aujourd'hui la these selon laquelle l'activite humaine n'a pas d'influence majeure sur le climat passerait pour un journal soumis a la pression des "lobbys comme ceux des pétroliers et de l'automobile [qui] font déjà tout pour empêcher des mesures efficaces qui iraient à l'encontre de leurs intérêts."
    - De meme, une lettre de 400 specialistes, meme avec des commentaires scientifiques precis, n'est pas une preuve definitive

    Le probleme de ce debat, c'est que ce n'est plus depuis longtemps un debat scientifique mais un debat politique. Que la vraie question du debat n'est pas "Quel est le meilleur modele permettant de representer l'evolution actuelle du climat?" mais "Y a-t-il un rechauffement climatique, faut-il lutter contre celui-ci, et comment?" Mais que personne ne veut renoncer a l'apparence scientifique, devoyee comme etant la capacite de discerner le vrai du faux.

    Or la science ne peut que proposer des modeles representant au mieux les connaissances actuelles, mais en aucun cas demontrer que l'analyse correspond a la realite des causes et des consequences. Elle ne donne que des indices pour alimenter le debat politique, en aucun cas des reponses sures. Il me semble plus important de protester contre l'idee, aujourd'hui tres repandue par exemple dans le "principe de precaution", que les decisions politiques doivent etre prises sur des bases sures. Car la difficulte du debat politique est justement de devoir prendre des decisions sans garanties sur le resultat.

    Pour le cas du rechauffement climatique, il ne s'agit donc pas de prouver que l'activite humaine nous menera droit a la catastrophe, mais de decider que cette hypothese est suffisament plausible pour justifier des mesures reduisant eventuellement notre confort. Je pense qu'en participant a ce debat, tu ne fais que vehiculer l'idee fausse mais chere au media et au politiques que la science pourrait apporter une reponse definitive a ce probleme (et qu'il suffit donc d'attendre que les climatologues se mettent d'accord pour decider ce que l'on fait).

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