Confinement pour tromper la chance. Chacun joue sa pomme aux dès, gagne peut-être ou la sale bête rafle tout.
La galère coule en direct dans l’actualité, les rendez-vous des autorités, les mauvaises nouvelles qui succèdent aux pires, dans les chiffres exponentialisants, obsédants, les courbes, les statistiques, les dérivées premières et secondes, dans la progression mortelle ralentie, les pics à venir. En attendant Godot, la vie se mesure à la petite cuillère.
On se raccroche à ce qu’on peu, hydroalcoolique, hydroxychloroquine, choc cytokinique... On aimerait le risque pour soi, mais le risque est collectif. Médecine, force de l’espoir, peur que cela foire. Hydroxychloroquine, on y croirait presque. Tapis ! Mais, d’autres choisissent. En attendant remèdes et vaccins, la vie se mesure à la petite cuillère.
Dans les EPHAD, les vieux vivent seuls, lentement, meurent seuls, hâtivement, de ne plus vraiment vivre.
Distanciation sociale. Le numérique en place de la real life. WhatsApp, Skype, Zoom… courriels, blogs… A-t-on jamais été aussi proche des autres ? Photos, vidéo, humour en boucle, articles à partager, à oublier, pour oublier. Une fibre, le fil du mobile, rattachent au passé, au futur sans la bête. Fracture territoriale, fracture sociale, fracture cognitive…
Balade dans Paris muet, Paris tétanisé, Paris terrifié. On croise un inconnu. On s’écarte, peut-être un petit signe de main pour s’excuser de détourner la tête. Plus loin, un clodo, camarade de naufrage, chantant sa solitude. Au coin d’une rue, un masque bricolé, carnaval, halloween, mardi gras. Bientôt tous chamanes, en croisières apotropaïques sous le soleil qui en a vu d’autres, dans des rues désertées, livrées aux chants conquérants des oiseaux.
Wuhan, Lombardie, Mulhouse, Seine-Saint-Denis… ? Géographie du hasard, de la misère. Certains, réfugiés épidémiques, restent chez eux. D’autres se foutent du confinement comme de leur premier virus, résistants aux ordres, collabos de la sale bête. Les codes sont dérangés. Médecins, infirmières, aides soignants… caissières, livreurs, éboueurs… risquent leurs peaux pour nous soigner, nous faire bouffer, ramasser notre merde… Fantassins héroïques d’une sale guerre, « au milieu des fléaux … plus de choses à admirer que de choses à mépriser. » Concerts de casseroles.
L’industrie s’arrête là. La bourse plonge. Loi d’urgence d’un jour devient loi de toujours ? Qui tire les cartes ? Qui paiera le prix ? Ceux qui payaient déjà pour une société oublieuse d’égalité et de fraternité.
Petit pangolin. On vivait sans te connaitre. Ils t’ébouillantaient en médecines de margoulins. Tu te venges de leur cruauté, de leur bêtise, de nos ignorances ? Petite planète. On savait ton massacre et on a attendu l’ami Covid pour prouver qu’il n’était pas inéluctable. Tu te venges de nos conneries ? Le jour d’après, on arrosera le retour à la vraie vie… pour recommencer comme en 14 ? On aimerait croire que non, que nous serons enfin prêts à écouter, prêts à partager. Hineni !