dimanche 5 décembre 2010

L'américain de Sèvres

Dernier article de cette série qui commence à ressembler à du spamming.

Vient de paraître : L'américain de Sèvres par Serge Abiteboul et Yann Fradin.

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France, tes chercheurs foutent le camp !

3 références

  1. Les expatriés de l’enseignement supérieur français aux Etats-Unis, une étude de l’Institut Montaigne,
  2. Why French Scholars Love U.S. Colleges dans le New York Times
  3. The French Academic Diaspora dans Inside Higher Ed,

Des copains profs aux US (Moshe V. et Hector G.M.) m’ont envoyé des pointeurs sur ces articles. Et comme parmi le petit nombre de mes lecteurs, le taux d’expats est élevé, je ne peux pas échapper au sujet.

Partons d’un petit échantillon : un chercheur qui, après plusieurs séjours aux Etats-Unis, six ans en tout en Californie, a décidé de rentrer en France. Oups. Pardon, il s’agit de moi et je n’ai rien décidé. C’était une décision collective de la famille. Et oui. Le chercheur n’est pas seul dans sa bulle. Il a aussi une famille qui participe aux décisions. Agrandissons l’échantillon. Des copains, profs d’informatique dans des facs américaines. Gérard M. a choisi de rester aux Etats-Unis surtout parce qu’il s’est marié avec une américaine qui imaginait mal de vivre en France. Amélie M. est partie (à mon humble avis) parce qu’elle et son copain regardaient trop de films américains. Ils n’écartent pas de rentrer. Victor V. (qu’on assimilera sans effort à un français) passe autant de temps en France qu’aux US même s’il est prof là-bas, en partie parce que lui et son épouse américaine sont très francophiles. Donc dans cet échantillon très représentatif (on reconnait qu’il est restreint et n’inclut que des informaticiens), les chercheurs ne choisissent pas les US pour les raisons qu’on donne souvent : le salaire trop faible et le manque de moyens.

Le salaire. Je sais bien que le fric est devenu le premier critère de réussite mais je n’ai pas vraiment l’impression que ce soit le salaire qui détermine le choix de mes collègues ou de mes étudiants qui partent. (Quand on connait le salaire de départ d’un maître de conférence, on peut d’ailleurs être surpris.)

Les moyens. Oui. Par exemple, plusieurs de mes étudiants sont partis chez Google parce qu’ils y trouvaient des possibilités de développer des systèmes, offertes nulle part ailleurs. Mais c’est vrai que la plupart n’étaient pas français, qu’il y a peu d’endroit comme Google, que ça ne durera pas, et que certains reviendront sans doute.

Des chercheurs arrivent en France d’autres en partent. Parler juste d’un brain drain des français vers les US est réducteur. On devrait parler d’Europe avec Alkis P. qui est aux US mais n’écarte pas la possibilité d’un retour. (La diaspora française d’ailleurs est en proportion, ridicule par rapport aux diasporas israélienne ou grecque.) Donc ce qui compte, ce n’est pas pour la France de garder les français mais pour l’Europe d’attirer les meilleurs d’Asie ou d’Afrique, et pas forcément pour les garder égoïstement. (Et ça, ce n’est pas un problème neuf.)

Revenons en France. Je ne dis pas que la situation est parfaite. Loin de là et ça ne s’arrange pas. Mais bon. On n’est pas si mauvais et notre vie de chercheur n’est pas si horrible. Alors pourquoi tous ces gens (y compris le président de la république) disent-ils que les chercheurs français sont nuls et que les meilleurs foutent le camp ? Parce que le français aime se plaindre. Il se plaint de sa recherche comme il se plaint de son système social (essayez le système américain), de son industrie (pourtant parmi les meilleures du monde), de ses impôts (les allemands en paient autant), etc. Pour confirmer scientifiquement, une étude menée parmi des enfants de nombreux pays sur les devoirs. Le gosse américain est super content de ce qu’il a fait, bien au dessus de sa vraie performance. Et le petit français est lui parmi les plus mécontents, bien en dessous de ce qu’il a réussi.

Donc pour conclure : Oui ! L’environnement de la recherche en France est catastrophique. Oui ! C’est de pire en pire. La recherche est moribonde. L’université est quasi détruite. Après tout, je suis français. Il faut bien que je me plaigne.

De l'extension du domaine de la censure

Wikileaks : ça fait sourire qu'on étale autant de données confidentielles. Et puis on n'y pense plus. Qu'un diplomate américain trouve Sarkozy excité, cela ne surprend personne. Mais voilà, tout cela tourne en démonstration de censure.

"Les méthodes abjectes et dangereuses que Wikileaks utilise sont inacceptables et doivent être condamnées avec la plus grande fermeté par tous les pays du monde. Wikileaks n’a pas de place dans l’internet civilisé que nous devons construire." selon Muriel Marlan-Militello, une obscure député UMP, j'imagine future ministre de la recherche, ou de l'économie numérique, voir de la propagande. Et de soutenir une autre gloire nationale, Eric Besson, ministre de cette économie numérique (en plus de l'industrie) qui demande l'interdiction de l'hébergement de Wikileaks en France. Super la France rejoint la Chine et autres dictatures dans le front anti-liberté sur le Web.

Leur Internet n'est pas le mien ! Le Web est plus compliqué à censurer qu'un vulgaire canard. Mais si on ne fait rien, ils finiront par y arriver.

C'est difficile de trouver Wikileaks. Mais on le trouve encore. Au moment où j'écris sur http://213.251.145.96/

Pour comment manipuler les DNS pour qu'on puisse trouver le site de Wikileaks :
http://www.bortzmeyer.org/a-propos-wikileaks.html

PS: Avec comme vague lien la censure, Felix Nussbaum au Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme. A découvrir absolument.





Felix Nussbaum
Selbstbilnis mit Judenpass
© ADAGP, Paris 2010