Vous vous êtes sûrement déjà révoltés contre des organismes publics qui se refusaient à publier leurs informations. Vous vous êtes énervés sur d’autres qui les cachaient dans des labyrinthes de pages Web indigestes. Pas vous ? Moi si ! C’est de l’information publique payée par nos impôts, qu’on cache dans des armoires, qu’on planque au fond du Web. Les nouvelles technologies, ce ne sont pas juste des trucs pour que l’Etat puisse mieux fliquer. Cela doit aussi permettre d’ouvrir vraiment la vie politique au plus grand nombre, de mieux contrôler l’Etat. On va dire (et désolé pour les gros mots) que l’ouverture des données publiques est à la base de la démocratie moderne.
Longue digression sur des sujets liés : Le livre électronique et le patrimoine de la BNF. Qu’est-ce qu’on n’a pas entendu comme bêtise récemment :
- Le livre électronique allait tuer la lecture (comme le papyrus ou l’imprimerie l’avaient fait il y a belle lurette ; c’est bien connu).
- On allait perdre le plaisir de la lecture : la bonne odeur du papier (ma préférée), le bonheur de feuilleter les encyclopédies en vingt volumes (tout le monde a ça chez soi), l’enchantement de vivre entouré des milliers de livres de sa bibliothèque personnelle (à la portée de tous les prolos bien sûr).
- On allait tuer les libraires et les éditeurs. Il est vrai que ces métiers risquent de disparaître au moins comme on les connait aujourd’hui. Mais un préalable : l’objectif sociétal est de garantir l’accès à la lecture (pas aux livres papiers) pour tous au meilleur prix, et pas de sauver l’édition ou la librairie. Si ces métiers doivent changer, désolé, qu’ils changent !
- On allait brader notre patrimoine. On revient sur le sujet. Le patrimoine de la BNF (même si ce n’est pas vraiment de ça qu’on parle), c’est des données publiques. On a eu droit au match de boxe, BNF contre Google. Du Grand-Guignol. Des gens très savants nous ont expliqué les horreurs d’une indexation moderne impérialiste et inculte. Est-il nécessaire de le préciser ? L’indexation et les annotations sémantiques ne sont ni de gauche ni de droite, ni intelligentes, ni anti-intelligence. Elles sont ce que vous en faites. Google ne va pas voler notre culture et la transformer en parc d’attraction. Soyons sérieux ! La techno de Google est loin d’être parfaite. Elle n’est pas compliquée à reproduire. Par contre, le patrimoine de la BNF est unique. N’ayons pas peur ! Ces informations représentent de la valeur et l’Etat est bien placé pour imposer ses règles. Négociez ! Imposez des règles !
C’est vrai qu’on peut imaginer une véritable révolution. On ne sait pas très bien ce que c’est les données publiques : des budgets, des statistiques, des formulaires, des règlements, etc. Les détails du chômage, de l’exclusion, du racisme ? La réalité du mal-logement ? Les performances des hôpitaux ? La criminalité près de chez vous ? Les accidents de la route dans votre ville ? Le travail ou pas de vos élus ? Les prix de l’immobilier ? Que feraient les citoyens s’ils savaient vraiment ce qui se passe ? C’est la vérité qui fait peur ? Pourtant, elle seule permet d’attaquer les problèmes.
A l’étranger, ça déménage ! Avec data.gov, les US d’Obama sont volontaristes. D’autres pays s’y mettent, comme les anglais avec data.gov.uk conseillés par Sir Tim Berners-Lee. Depuis peu, Google Data Explorer (encore le méchant loup) facilite l’exploration et la visualisation de données publiques américaines. C’est encore limité mais ça vaut le coût d’aller voir.
Et la France ? Je nous croyais en retard comme on l’est en général dans le domaine de l’e-démocratie. Mais un copain, François Bancilhon, m’a convaincu que ce n’était pas totalement vrai. Ça bouge. Des villes comme Rennes sont pionnières dans ce domaine. (Vive les bretons !) Une fondation, la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération), lance des expérimentations sur la réutilisation des informations publiques territoriales au service de l’innovation et de la proximité. Un petit groupe, Libertic, milite pour la promotion de la libération des données publiques. Et d’autres.
Et l’Etat ? On a depuis peu l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat (Si vous savez pourquoi ils sont en https, merci de m’expliquer.) Je cite Wikipedia : « l’APIE est un service à compétence nationale français en charge du patrimoine tels que brevets, licences, fréquences radioélectriques, marques, images, bases de données ou tout autre patrimoine ou propriété immatérielle appartenant à l'Etat français… L’APIE doit répondre à 3 objectifs :
- optimiser l’impact de la gestion du patrimoine immatériel sur l’économie ;
- tirer parti d’une meilleure valorisation des actifs pour moderniser les services publics, soutenir la conduite des politiques publiques au profit des usagers et contribuer au désendettement ;
- prémunir l’État et les usagers contre d’éventuels risques de détournement. »
Peut-être que pour rendre publique les données publiques en France, on pourrait faire moins étatique, faire participer des associations, des fondations, des entreprises privées. Le privé ? Pourquoi pas, si les règles sont claires et si on n’oublie pas que l’objectif est de « rendre accessible gratuitement et facilement au citoyen, toutes les informations dont disposent l’État et les collectivités locales. » N’ayons pas peur ! Ces informations représentent de la valeur et l’État est bien placé pour imposer ses règles. Négociez ! Imposez des règles !
Je finirais par Data Publica, un projet conduit par trois startups françaises : Araok, Nexedi et Talend. Pour faire simple, l’objectif de leur projet est de mettre en place et opérer une place de marché sur laquelle ceux qui possèdent des données viendront publier leurs méta-données ou leurs API. Je n’en sais pas beaucoup plus, mais c’est prometteur. François est impliqué dans data publica, qui organise en 2010 une conférence sur le sujet avec l’INRIA et Cap digital. Si vous êtes intéressés, stay tuned !