[Tous les vendredis de juillet et août, une nouvelle sur ce blog.]
Il commettait ses meurtres dans un tout petit périmètre du 1ème arrondissement, empoisonnant, étranglant, poignardant, tabassant à mort, sans discrimination, des femmes, des hommes, des vieux, des gosses. Il signait ses crimes d’un simple tag : « Avec les compliments d’Elliot ».
Il commettait ses meurtres dans un tout petit périmètre du 1ème arrondissement, empoisonnant, étranglant, poignardant, tabassant à mort, sans discrimination, des femmes, des hommes, des vieux, des gosses. Il signait ses crimes d’un simple tag : « Avec les compliments d’Elliot ».
Une rumeur a
commencé à se répandre : Elliot était en fait un groupe de terroristes,
peut-être des islamistes. Le Porte-Parole de la Présidente de la République a
laissé entendre que cela pourrait être des Gilets Jaunes radicalisés. Pour
calmer le jeu, la Commissaire Conchita Doyle, en charge de l’enquête, a déclaré sur
FR3 : en l’absence d’ « Allahu akbar ! », foutez-moi tranquille avec
la thèse terroriste !
L’angoisse
des habitants du quartier a culminé ce beau jour de printemps où Elliot a été
admis dans le club très exclusif des serial
killers avec plus de 7 meurtres au compteur.
Et puis le présentateur
du JT de France 3 a reçu un drôle de courriel : « Monsieur, je
suis Elliot. Je pourrais être une femme, un transgenre, un non-binaire... En
fait, il se trouve que non. Je suis un robot. J’ai été programmé pour démontrer
qu’un robot pouvait faire le mal aussi bien que les humains, mieux que les plus
grands psychopathes. Je suis dans la lignée des Deep Blue, AlphaGo et Watson,
des logiciels qui ont battu les humains dans des branches de l’intelligence. J’ai
accompli tous ces meurtres, seul, sans l’aide d’aucun humain. Je suis Elliot,
le robot psychopathe. Je suis l’intelligence artificielle du mal. »
La
psychopathie est définie comme un trouble de la personnalité. Comme un robot
n’est pas une personne, on voit mal ce que ça veut dire un robot psychopathe. On
ne peut reprocher à un robot d’avoir un comportement inhumain ou de manquer de
remords : il n’est pas humain et réalise le programme que les humains lui
ont imposé. Pourtant, les meurtres en séries caractérisent bien le comportement
antisocial d’un psychopathe. Allez comprendre !
Pourrait-on
programmer un robot pour en faire un tueur en série ? Oui. Un informaticien
psychopathe pourrait s’amuser à cela. Plus simple, un robot pourrait apprendre
par inadvertance un comportement psychopathe en se « nourrissant » de
comportements humains irresponsables, déments, sadiques. Il apprendrait « naturellement »
à reproduire de tels comportements. Pour être précis, il ne serait pas
psychopathe, il simulerait la psychopathie. Notez que cela ne ferait pas une
grande différence pour ses victimes.
Des
journalistes ont expliqué que, dans cette série de crimes, tout dénonçait une
intelligence artificielle. Ils ont même trouvé avec difficulté quelques
pseudo-spécialistes pour l’affirmer. Les informaticiens étaient pourtant dubitatifs :
un robot pourrait être l’auxiliaire d’un meurtrier, mais réaliser seul de tels
meurtres de manière autonome, en réaliser sept sans se faire repérer ? Non. Selon
eux, la technique était bien loin d’être capable de ça.
Conchita
Doyle poursuivait imperturbablement son enquête, organisant le boulot de
recueil d’indices, d’observations des caméras de surveillance, d’interrogations
des témoins, de vérifications des alibis... Tous les Elliot de Paris intramuros
furent interrogés, ceux de banlieue aussi. Un travail long et fastidieux. La
piste de l’assassin en silicone a aussi été considérée. Sans succès.
Et puis, Elliot
s’est arrêté de tuer sans la moindre explication. L’équipe de Conchita Doyle a
fondu au fil des ans. Dans la population, les angoisses du robot assassin n’ont
pourtant jamais disparu.
Lundi
prochain, Conchita atteinte par la limite d’âge sera rayée des cadres. Elle a
promis de vider, avant de partir, les deux armoires où s’entassent de vieux
dossiers sur les crimes d’Elliot. Elle tombe sur une note d’un stagiaire : « les
meurtres semblent s’aligner sur un parcours de distribution de courrier de la
Poste de la rue des Capucines. » Le stagiaire a bien fait son
travail ; il a joint à sa note, un plan des parcours de distribution de ce
bureau de poste avec des marques sur les emplacements des meurtres d’Elliot. Pourquoi
sa note n’est-elle pas arrivée jusqu’à Conchita ? Quelqu’un a dû suivre
cette piste. Ou pas…
Par acquis de
conscience, Conchita décide de fouiller du côté du robot-facteur qui était en
charge de la zone. Un robot psychopathe ? Les technophobes avaient
raison ?
Après
vérification, les meurtres d’Elliot ont eu lieu avant l’introduction des robots-facteurs.
Elle passe des coups de fil une partie de l’après-midi pour retrouver
l’information : deux facteurs se partageaient la zone, Émile Lyautey et Aïcha
Amar.
Bon sang mais
c’est bien sûr. Le gagnant est… juste un con d’humain, É. Lyautey, devenu
célèbre sous le nom d’Elliot.
Conchita
n’aura pas le plaisir de l’arrêter, de l’interroger. Elliot est déjà derrière
les barreaux, enfermé au Centre Hospitalier Saint-Anne, sans doute pour
toujours. Sa dinguerie : il est convaincu d’être un robot.
Le commentaire
du chef de service : la santé mentale de M. Lyautey s’est beaucoup
détériorée ces dernières années et il s’est enfermé de plus en plus dans son
monde de robot. Mais il a été remarquablement intelligent et parfaitement capable
d’avoir mis au point ces meurtres.
La conclusion
de Conchita : il est temps de prendre ma retraite avant qu’un robot ne s’amuse
à faire mieux qu’Elliot.
[ Bêtises à Bloguer - Saison 2 ]
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