3ème
Colloque POLÉTHIS – Données massives en recherche : Reconfiguration du
paysage de la recherche : enjeux éthiques et scientifiques – 15 mai 2019
– Paris
Mercredi 15 mai 2019 — 9h15-17h30 Auditorium de l’Institut Imagine Institut Imagine 24, boulevard du Montparnasse, 75015 Paris
Publication de ce rapport auquel j'ai participé : Créer un cadre français de responsabilisation des réseaux sociaux : agir en France avec une ambition européenne
La
gestion d'une ville est d'abord une question d'échange d'information.
Pour qu'un jardinier opère sur un parterre de fleurs devant la
médiathèque, il faut planifier son travail : quelles fleurs y a-t-on
plantées, quand a eu lieu la dernière intervention, que prévoit la
météo, etc. Toutes ces informations sont disponibles aujourd'hui
numériquement. Le coeur du réacteur de la smart city, c'est donc la collecte, l'échange et l'analyse de données produites par la ville, le big data à son service. Certaines villes récentes sont d'ailleurs conçues pour être connectées, telle Songdo, en Corée du Sud.
Prenons le transport urbain. Une ville reçoit des données des
sociétés de transport public, des entreprises de voitures de transport
avec chauffeur (VTC), des gestionnaires de parking... À partir de ces
données, elle peut participer à la mise en place d'une application pour
smartphone afin de faciliter le déplacement multimodal (transports
publics, vélo et autopartage...) des citoyens, décourageant l'usage de
la voiture individuelle au profit de moyens de locomotion moins
polluants. Nous pourrions multiplier les exemples dans de nombreux
domaines, comme la planification urbaine, les travaux publics, la
sécurité avec la police ou les pompiers, les services sociaux,
culturels, ou l'énergie.
Si elle peutêtre plus efficiente, économe
financièrement, la ville connectée questionne d'un point de vue
politique. Les entreprises privées positionnées sur ce marché tendent à
vouloir se substituer aux acteurs publics dans des fonctions qui étaient
historiquement du ressort de ces derniers. Les arguments avancés pour
le justifier sont multiples : des collectivités territoriales aux
ressources insuffisantes, l'idéologie selon laquelle une gestion privée
serait nécessairement moins coûteuse, ou encore le manque de compétences
de certains responsables municipaux. Pourtant, la numérisation de la
ville ne doit pas être l'occasion d'une perte du contrôle des
politiques. La ville est, et doit rester, d'abord au service de ses
citoyens.
Car les conséquences peuvent être lourdes. Les citoyens les plus
démunis sont typiquement peu « rentables » financièrement et souvent
ignorés de la smart city. Par exemple, ils peuvent avoir des
difficultés à faire des demandes en ligne de prestations ou de services
sociaux ; ils doivent être accompagnés et formés au numérique.
Cependant, certaines initiatives mettent l'agilité de la ville au
service des plus fragiles - le site Faciligo par exemple met en relation
des personnes à mobilité réduite et d'autres voyageurs pour que ces
derniers les accompagnent, moyennant une modeste rémunération.
Un autre risque de la smart city est de nous transformer en
consommateurs amorphes de services municipaux numériques de plus en plus
performants. Nous pouvons ainsi devenir passifs. Pourquoi trier nos
déchets si le service municipal est si efficace ? Pourquoi nous
intéresser même à ce sujet ? En général, pourquoi ne pas laisser les
services numériques décider pour nous ?
Pourtant, la participationde chacun est
indispensable pour maîtriser toute la complexité d'une ville moderne et
gérer sa croissance, de possibles flux migratoires, la pollution... Dans
certaines communes par exemple, les citoyens signalent sur un site web
les revêtements de chaussée détériorés, afin qu'ils soient réparés. En
Inde, pour lutter contre la corruption, le projet I Paid A Bribe, de l'organisation Janaagraha, encourage les citoyens à dénoncer sur Internet les pots-de-vin qu'ils ont payés.
La ville utilise trop peu les possibilités qui, au temps des
algorithmes, lui sont offertes. Cette inadaptation des institutions à
l'avancée des techniques participe à leur obsolescence et, au-delà, à la
défiance grandissante des citoyens à leur égard. La cité doit mieux
informer ses citoyens, notamment par l'ouverture de ses données. Ces
derniers doivent également mieux participer à la conception de la ville,
aux prises de décisions. À nous de réinventer la ville agile et
connectée de demain pour en faire un lieu plus humain, plus inclusif,
plus durable : une véritable cité.
Cet article est paru dans Le magazine La Recherche, N°540 • octobre 2018 ChroniqueLaRecherche
Les algorithmes envahissent tous les domaines :
marché de l'emploi, Facebook, Google... Sont-ils dangereux ? Vont-ils
remplacer l'humain ? Tomberons-nous bientôt amoureux d'une intelligence
artificielle ? Image du film "Ex machina" de Alex Garland, 2014•
Crédits : Universal Pictures International France
Les algorithmes ont mauvaise presse : ils nous
influencent, nous manipulent et nous prédisent le pire... Les
algorithmes sont-ils à notre image ? Ou nous dominent-ils déjà ?
Que se passerait-il si, au lieu de parler à leur place, on leur donnait
la parole ? Auraient-ils un avis, une opinion, une vision du monde
indépendante de celle qu'on leur inculque ? Ont-ils, comme nous, un
coeur ?
Les invités du jour :
Aurélie Jean, Ph.D., docteure en sciences des
matériaux et en mécanique numérique, fondatrice et dirigeante de la
société In Silico Veritas spécialisée en algorithmique et en
modélisation numérique
Serge Abiteboul, chercheur à Inria, Institut
national de recherche en sciences du numérique, et Membre du Collège de
l'Arcep, Autorité de régulation des communications électroniques et des
postes
Textes lus par Hélène Lausseur :
Extrait de L'Essayeur de Galilée, éditions Les Belles Lettres, 1623
Extrait de Algorithmes : la bombe à retardement de Cathy O'Neil, éditions Les Arènes, 2016
Sons diffusés :
En début d'émission, un extrait du film Her de Spike Jonze, 2014
Chanson de Queen, Somebody To Love
Musique de Labelle, Stase, différence et répétition
Archive sur le recrutement prédictif, dans Comme un bruit qui court, France Inter, 13/01/2018
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simple : plus vous participez sur notre site (likes, partages,
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dépenser dans notre boutique en ligne. Parmi les nouveautés disponibles
dans le shop cette semaine : des baskets en laine recyclée, le recueil
de nouvellesLe bot qui murmurait à l'oreille de la vieille dameet une semaine d'accès à des documentaires d'auteurs.