vendredi 11 février 2011

Fac, je te hais.

Les non-chercheurs qui liront ces lignes découvriront avec plaisir que la gestion de l'information pose aussi problème dans un institut de recherche en informatique.

De quoi parle-t-on à l'INRIA en ce moment? J'aurais tant aimé écrire qu'on parle à la cafette et dans les couloirs de trucs comme la comparaison entre les DHT et le gossiping pour la recherche d'information en pair à pair ou de la démonstration des théorèmes fondamentaux des mathématiques en COQ. Vous rêvez ! On parle :
  • des nouvelles pratiques du suivi des chercheurs.
  • de la Fac.
Le suivi du chercheur. Un large sujet ! On imagine du coaching par d'autres chercheurs, comme ça se fait ailleurs. Mais non! Il s'agit de RH et de paperasserie. La méthode proposée est bâclée, imposée dans une urgence incompréhensible, mélangée d'évaluation (merci! Ça suffit! On est déjà bien trop évalués.) J'ai bien pensé écrire un article là dessus. Mais le sujet finit par me donner la nausée (trop d'emails). Alors je vais parler de l'autre sujet, plus light.

Fac, c'est un joli nom, un diminutif sympa, tout droit sorti des 4 facultés médiévales de l'université: les arts, la théologie, le droit et la médecine. Wiktionnaire nous dit que ça vient du latin facultas, "capacité".

Mais on ne parle pas de ça à l'INRIA. Chez nous, Fac, ça veut dire " Feuille d'ACtivité ". C'est un bousin pour dire le temps que vous passez à bosser pour la communauté européenne.

En préambule, pour ceux qui ne sont pas du milieu, expliquons rapidement les projets de recherche européens. Le plus souvent avec des gens un peu partout en Europe, on monte des "consortiums", on écrit une proposition de projet. Il est évalué. S'il est accepté, on doit faire le boulot proposé avec les moyens humains promis. D'où les fameuses facs qui montrent les personnes qui ont bossé sur le projet et le temps qu'elles y ont passé. Un peu comme si quand vous faites réparer votre voiture, vous exigiez de savoir qui a travaillé dessus et quand et combien de temps. On doit aussi apporter des "déliverables" (livrables?) promis, typiquement des rapports, du logiciel, des démonstrations.

On a vu par le passé des gens abuser (surtout des industriels s'il faut faire dans la délation, plus rarement des chercheurs), "charger" des journées de travail fantaisistes et recevoir de l'argent de l'Europe sans trop faire de recherche. Donc les feuilles de temps, même si j'adore pas, je respecte. Mais la manière d'installer la FAC nouvelle mérite d'être soulignée.

Précaution: Je vais sans doute me tromper sur les détails, dire des bêtises. Je ne suis pas un expert en Fac et je ne tiens pas le devenir.

Le logiciel FacWeb est arrivé, au nom qui fleure bon les vieux campus et les nouvelles technologies. Son installation tient d'un management autoritaire totalement méprisant des chercheurs. En tous cas, c'est comme ça que le ressentent les chercheurs.

Ce qui pose problème :
  • Dans l'urgence, on nous demande de tout laisser tomber pour nous occuper de feuilles d'activité.
  • On n'arrive pas à se connecter à FacWeb de l'extérieur et quasi tous les chercheurs sur mon contrat sont à Cachan "à l'extérieur". (C'est vrai que la Fac est une information très sensible au moins confidentielle défense).
  • Puis, on se connecte mais nos comptes n'ont pas été créés
  • Ensuite ils ont été créés mais nos mots de passe ne marchent pas, etc.
Bien sûr, si vous lisez des emails fleuves, si vous passez quelques coups de fils, si vous allez suivre une formation au Parc Club, et si vous avez un bon karma, vous n'aurez aucun problème avec la Fac. Bref, si vous vous arrêtez tout ce que vous aviez prévu de faire et passez au service des services, tout ira bien. Mais juste un petit rappel pour ceux qui nous dirigent. Nous aussi, on bosse. C'est marrant, on fait de le recherche avec des deadlines, des réunions, du travail. On ne peut pas tout laisser tomber pour suivre une nouvelle procédure.

On avait le choix entre annuler notre réunion de travail de Jeudi et la remplacer par une journée Fac ou ne pas remplir les Fac du mois de Janvier. On a choisi la deuxième option. Seulement voilà, on a ensuite réalisé qu'une assistante se retrouvait à faire nos feuilles d'activité en échangeant des emails avec nous pour les compléter. Ca lui fait une surcharge de travail considérable. Marche arrière toute. On a décidé de remplir les Fac car on ne veut surtout pas rendre la vie encore plus difficile aux assistantes des services.

Alors qu'est-ce qu'on peut faire? Râler sa frustration. Ce que je fais.

C'est vrai que ça ne prend pas tellement de temps de remplir les Fac (quand tout est au point). C'est vrai que les chercheurs réagissent de manière trop épidermique quand on leur demande de faire de la paperasserie. Mais il faut comprendre qu'ils ont de plus en plus de ces petites tâches qui les empêchent de bosser. Il faut comprendre que quand un chercheur a déjà une journée super chargée, il déteste perdre une ou deux heures sur une procédure installée dans l'urgence, mal préparée, avec des outils mal adaptés, pour donner une information qui tiendrait en quelques lignes: les journées où il a bossé sur le projet machin en janvier.

Pour finir, je me suis dit que bosserai sur les Fac le weekend, mais ça, ce n'était pas possible: FacWeb ne bosse pas le weekend (sic). Il y a sans doute aussi de bonnes excuses (les logiciels qui travaillent même le weekend sont plus chers?) mais quand même c'est trop drôle.

1 commentaire:

  1. C'est vraiment inquiétant... On fait des études longues et difficiles dans le but de devenir chercheur... Pourquoi? Pour la liberté que procure le boulot, et on est conscient que cette liberté se paye, en salaire et en statut social. Si on était là pour les thunes on serait en train de glander et boire des coups en école d'ingé, en validant les cours tout juste et en ayant un boulot d'ingénieur dans le privé à la sortie. Mieux payé (*beaucoup* mieux), mais avec des horaires fixes, pas le choix de notre sujet de travail, un boulot moins passionnant...

    Non seulement ces mesures à la con exaspèrent les chercheurs en postes, mais en plus ça va finir par décourager les jeunes et étudiants motivés par la recherche. Parce que si il n'y a plus de liberté, on ne viendra pas. Il faut comprendre que les gens qui veulent faire ce travail, pour leur prendre un tout petit peu de liberté, il faudrait compenser en rajoutant énormément d'autres avantages à côté, et encore, c'est pas dit pour tout le monde.

    La disparition de la recherche publique et libre, c'est la fin de l'avancée de la civilisation, c'est le chemin vers la décadence. En tout cas en France, où la recherche privée ben... "lol" quoi. Et pour ce qui est de la recherche en sciences fondamentales, et en littératures (de l'Histoire aux Arts), ne rêvons pas, ça ne doit exister nul part dans le privé.

    Plus qu'une chose à dire pour terminer : FAC OFF!

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